Histoire

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Notice historique

Au pied d’un rocher sauvage, déchiré, s’échappe, sous un massif de verdure, une source abondante qui confond ses eaux avec celles de plusieurs torrents qui se précipitent avec bruit d’un cirque de montagnes pour donner naissance au ruisseau de la Sorne. Ce ruisseau arrose un vallon dont il détermine les contours arrondis en demi-cercle, et se détourne brusquement à l’ouest pour venir se confondre avec le Savignard, avant de se perdre dans le bassin de la Vallière. C’est près de cette source que se cache le beau village de Vernantois avec ses jardins en terrasses, ses filets d’eau suspendus qui gazouillent au dessus de sa tête ou qui scintillent en écume sur les rouages des usines, et ses coteaux tapissés de pampres Le culte rendu à la déesse Sirona ou Sironia qui a donné son nom à la Sorne, et à Appolon, amant de cette déesse, représenté par la roche de Belin d’où jaillit la source de cette rivière ; la vouivre qui, chaque sois, venait se désaltérer à la source du ruisseau de Demièges, à l’ombre d’une grotte ; les dames blanches de la prairie, le drack ou cheval blanc, paissant près du moulin de Moiron, les lutins ou génies familiers des maisons et des récoltes, les rondes sabbatiques des sorciers sous les arbres, et mille autres traditions qui ont cours à Vernantois, nous faisaient bien supposer que ce village était ancien, mais nous étions loin de penser qu’il reposait tout entier sur les ruines d’une bourgade romaine. Des tuileaux à rebords, des fondations de murs, des voûtes souterraines, des foyers encore garnis de charbon, des cendres, s’y trouvent mêlés à une profondeur de trois mètres, avec des médailles consulaires et impériales, des armes, des ornements de tête en or, des clefs, des boucles de ceinturons, des ustensiles de ménage.

 

CP09-1024On retrouve même de ces débris jusque sous le lit de la Sorne. Le fond du vallon n’était pas seul habité. Un quartier considérable s’élevait sur la pente occidentale de la chaîne de collines qui borde Vernantois au nord-est. On l’appelait la ville d’Ormez, d’Ormier ou de Normier. Ce quartier était fortifié, car des champs voisins portent les dénominations de sur et sous les Chauffaux et de vers les Murs. Un fortin, bâti sur l’éminence du Tertre, proche de l’enceinte, était destiné à surveiller l’entrée de la gorge du côté de Macornay. D’autres traces d’habitations se remarquent entre Vernantois et Moiron, dans le lieu dit au Raclot. Il serait très possible qu’une colonie Burgonde se fût établie en cet endroit, soit pour ne pas se confondre avec les indigènes, soit pour éviter les inondations de la rivière. Ce qu’il y a de certain, c’est que cette partie du territoire était de nature allodiale et qu’il y avait plus de vingt fiefs à Vernantois, soumis seulement à l’hommage et ne payant aucune redevance, pas même les dîmes.

 

A côté du chemin du mont de Courbette, dans la contrée dite aux Chazeaux , étaient aussi plusieurs maisons qui ont laissé quelques vestiges. Un chemin très ancien, venant d’Orgelet par Saint-Maur, se bifurquait à la Malpierre et descendait d’un côté à Revigny et de l’autre se prolongeait sur Montaigu en traversant la ville d’Ormier. Nous l’avons trouvé mentionné dans un titre de l’année 1360. Le sentier qui reliait Vernantois à Conliège coupait la route précédente à angle droit et franchissait le mont d’Ormier. La dédicace de l’église et du prieuré de Vernantois à saint Martin, ce grand apôtre des Gaules, est
encore une nouvelle preuve à ajouter en faveur de l’antiquité de ce village.

On ignore absolument l’époque à laquelle des religieux sortis de l’abbaye de Condat vinrent chercher une retraite dans le vallon de la Sorne, ainsi que l’origine des vastes possessions qui servirent à doter cet établissement. Il est vrai qu’on ne sait pas mieux comment le prieuré de Chavenay devint propriétaire de la montagne de Montaigu. Les premiers titres connus qui mentionnent le prieuré de Vernantois sont une charte de 1151, par laquelle Humbert, archevêque de Besançon, en confirma la possession à l’abbaye de Saint-Claude, et un diplôme de l’an 1184, dans laquel l’empereur Frédéric- Barberousse recensa parmi les domaines de ce monastère, l’église et le prieuré de Vernantois avec la chapelle de Bornay.

Seigneurie

Etienne II de Bourgogne et Jean de Chalon l’Antique, son fils, avaient eu assez d’habileté pour se faire inféoder, en 1208, par Thiébaud, abbé de Baume, la montagne de Montaigu et les villages de Perrigny et de Vatagna ; mais leur ambition n’était pas encore satisfaite : les beaux vignobles de Conliège, de Vernantois et de Moiron les tentaient. Ils obtinrent en 1216, de Bernard III de Thoire- Villars, abbé de Saint-Claude, les terres de Conliège, Binans et Vernantois, et promirent de bâtir un château dans ce dernier lieu et d’y ériger un bourg. Le château ne tarda pas à être construit et le bourg à se former ; mais Guillaume de Vienne, seigneur de Montmorot, s’en émut et voulut les faire détruire. Après de longues contestations, il fut convenu, entre ce seigneur et Jean de Chalon, que désormais aucun d’eux ne pourrait construire de nouvelles forteresses dans le val de Lons-le-Saunier entre le Pin jusqu’à Vernantois et Revigny.

Depuis l’inféodation de 1216, la seigneurie de Vernantois appartint indivisément, par moitié, à l’abbé de Saint-Claude et à Jean de Chalon, ou à ses représentants. Elle avait pour limites les terres de Bornay, Montaigu, Revigny, Conliège et Montmorot, et comprenait une grande partie du village de Moiron. Le hameau de Roche formait un fief particulier relevant exclusivement d’Orgelet.

Les habitants avaient reçu une charte de franchises et se qualifiaient de bourgeois. Ils nommaient annuellement quatre prud’hommes pour administrer les affaires de la commune. Aussitôt après l’élection, ces officiers et les gardes par eux institués devaient se présenter devant les deux châtelains pour prêter serment de remplir leurs charges en conscience. Les droits seigneuriaux étaient peu lourds ; à part trois corvées de charrue et une corvée de cheval par an, quelques cens en argent, en grains, en cire et en huile de noix, l’impôt des quatre cas et les dîmes, les bourgeois n’étaient soumis à aucune redevance, pas même la banalité du four et des moulins. Ils pouvaient librement pêcher dans les ruisseaux et chasser à battue les bêtes sauvages.

Château et bourg

Il occupait une éminence entre le vallon de la Sorne et celui de Demièges, et se composait d’un donjon, d’une maison-forte flanquée de deux grosses tours et d’une basse-cour renfermant les écuries et les remises. Une enceinte de murailles l’enveloppait de toutes parts, et le seul côté accessible, au sud, était défendu par un large fossé. Un chemin couvert conduisait depuis le donjon dans l’intérieur de la maison prieurale. Ce château était déjà en ruine en 1609, et fut détruit par les troupes d’Henri IV en 1595. Il n’en reste d’autres vestiges qu’une partie des murs d’enceinte. Son emplacement est aujourd’hui recouvert par des vignes. Au nord du château était un bourg clos de murs, habité exclusivement par des gentilshommes. Abandonné depuis le XVIIe siècle, il ne subsiste plus que deux ou trois maisons de pauvre apparence qu’on appelle encore le Bourg.

Le Bourg-Dessous ou la ville de Vernantois était au pied du château, à l’ouest, et se composait de plusieurs rues dans lesquelles on remarquait de nombreux hôtels habités par plusieurs familles nobles, de riches bourgeois, des officiers de justice, des marchands et des tisserands. Brûlé par le duc de Longueville en 1637, et ravagé en même temps par la peste, il resta complètement inhabité jusqu’en 1642.

Fief de prévôté

La prévôté du Bourg-Dessous de Vernantois était inféodée à une famille noble qui portait le nom de ce village. Guillaume de Vernantois vivait en 1254.

Fief de Roche

À la naissance du vallon de la Sorne, est un groupe de maisons, appelé Roche, qui dépendait de la seigneurie d’Orgelet et de la paroisse de Saint-Maur. C’était un village tout à fait distinct de celui de Vernantois, avec lequel il se confond aujourd’hui, et qui avait un prévôt particulier. Ce fief, après avoir appartenu à une famille du nom de Roche, passa au XIVe siècle à celle des Echelles. Le moulin existe encore, la maison-forte n’est plus qu’une simple habitation flanquée d’une tour pentagonale.

Fiefs divers

Les familles d’Ugna, d’Ecrilles, Charbonnel, de Moiron, de Balme, de Montmorot, de la Cour, possédaient des fiefs considérables dans la commune de Vernantois, qu’ils tenaient sous la mouvance des seigneurs de ce lieu.

Ville d’Omez, Omier, Ormier ou Normier

Nous avons déjà parlé de ce village comme bourgade romaine. Nous le voyons de nouveau figurer dans les chartes du moyen-âge jusqu’en 1370, époque à laquelle il fut détruit par des bandes de routiers. Abry d’Ormier, prévôt de Bornay, vivait en 1296.

Prieuré

Le prieuré de Vernantois fut uni, au XIIe siècle, à la mense des abbés de Saint-Claude, et cessa dès lors d’être habité par un prieur titulaire. Plusieurs de ces prélats habitaient souvent la maison prieurale, où ils menaient une vie qui ne fut pas toujours irréprochable. Cette maison, attenante à l’église, fut vendue nationalement en 1791.

Eglise

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Elle est située sur une éminence entre le village et le hameau de Roche. Cet édifice se compose d’une nef voûtée , d’un chœur, d’une chapelle à deux travées à gauche de la nef, d’une autre chapelle sur le prolongement de la précédente, d’une tour carrée appuyée contre la nef, surmontée d’une flèche. La tribune supporte un harmonium. Le portail, la fenêtre du chœur, les arcades qui s’ouvrent sur les chapelles, les voûtes de la nef et des chapelles et les baies du clocher appartiennent au style ogival. On remarque dans cette église le maître-autel, le tabernacle, un petit reliquaire surmonté de la statue de saint Martin, contenant les reliques de saint Claude et de sainte Jucondine.

La paroisse de Vernantois avait une circonscription très singulière. Une partie du village de Moiron en dépendait, et l’autre partie était de la paroisse de Saint-Maur, de même que le hameau de Roche. En 1667, l’archevêque de Besançon décida que la commune entière de Moiron dépendrait de la paroisse de Saint- Maur et que Roche dépendrait de Vernantois. Il fallait que les habitants de Moiron fissent plus d’une lieue à travers des chemins impraticables, pour fréquenter les offices à Saint-Maur, tandis que l’église de Vernantois était à leurs portes.

Maladrerie

Dans le lieu dit à la Malatière, près du village d’Ormier, était un hospice pour les lépreux. Les pestiférés étaient relégués dans des loges en planches qu’on établissait dans le vallon de Demièges. Une croix marque encore la place des fosses dans lesquelles on jetait les morts.

Evènements divers

L’espace compris entre Montaigu et Vernantois porte le nom de Presle. Ce mot paraît dériver de Prælium, combat, ce qui indiquerait qu’une bataille se livra en cet endroit dans l’antiquité. Il y a encore, dans cette contrée, une ferme appelée la Grange de Presle, qui était la propriété et le séjour ordinaire du célèbre capitaine Prost dit Lacuzon.

Le 28 décembre 1673, les Français attaquèrent à la fois Conliège, Montaigu et Vernantois, et, après s’en être rendus maîtres, y commirent de nombreux excès. 
Une émeute violente éclata dans ce village en 1717, contre le sieur Fouque chargé de faire reconnaître les droits seigneuriaux de l’abbé de Saint-Claude, et le procès des principaux coupables eut lieu le 23 décembre 1717.

La révolution de 1789 fut accueillie avec un grand enthousiasme à Vernantois. La population, excitée par le curé de la paroisse, fit un autodafé de tous les titres de la commune pour effacer les traces du régime féodal.
Ce village se crut menacé d’un engloutissement le 15 août 1835. Une étendue de terrain boisé, parsemée de bancs de pierre, se détacha de la montagne de Saint-Maur et glissa avec bruit dans le fond du vallon. D’autres éboulements se manifestèrent sur plusieurs points. Différents mouvements et des fissures, atteignant jusqu’à 2 m de profondeur, faisaient craindre de graves accidents. Déjà, en 1822, il s’était opéré des glissements de terre assez considérables.

Canton

Vernantois fut érigé, en 1790, en chef-lieu d’un canton du district de Lons-le-Saunier, qui comprenait ce village, Bornay, Courbette, Macornay, Moiron, Nogna, Poids-de-Fiole, Saint-Maur et Vaux-sous-Bornay. Ce canton a été supprimé en 1801.

Curiosités naturelles

La source de la Sorne et la grotte du vallon de Demièges méritent d’être visitées.

Biographie

Ce village a donné naissance au colonel Guillon, aux capitaines Boussaud, Gaget et Loyseau, à M. Andrey dit Rémond, conseiller au parlement de Besançon, à plus de dix docteurs en médecine, dont quatre ou cinq sont encore vivants et exercent leur art avec distinction.

Bibliographie

Archives de la préfecture du Jura. Annuaire du Jura, année 1849. La route des communes du Jura, année 2002. Dictionnaire des Communes de Rousset (1854). Jean-Luc Mordefroid.